Ho’oponopono Danger : Naviguer les Risques pour une Pratique Éclairée et Sécurisée

La promesse de Ho’oponopono est profondément séduisante : quatre mots simples — « Désolé, Pardon, Merci, Je t’aime » — pour nettoyer nos mémoires erronées et retrouver la paix intérieure. En tant que psychologue, j’observe l’attrait grandissant pour cette philosophie hawaïenne, perçue comme un baume sur nos anxiétés modernes. Pourtant, derrière la simplicité apparente de cet outil se cachent des pièges psychologiques bien réels. Le principal danger ne réside pas dans la méthode elle-même, mais dans une interprétation erronée de son principe fondamental : la responsabilité à 100%, qui peut dangereusement glisser vers une culpabilité toxique et une déconnexion du réel.

En bref : les conclusions de cet article

  • Le principe de « responsabilité totale » de Ho’oponopono, mal compris, peut engendrer une culpabilité écrasante, où l’individu se sent fautif des malheurs qui le dépassent (maladies, accidents).
  • La pratique peut devenir une forme de pensée magique, un mécanisme d’évitement qui pousse à négliger des actions concrètes nécessaires, notamment dans le domaine médical ou relationnel.
  • La popularisation a entraîné une simplification excessive, vidant la pratique de son intention et la réduisant à une formule mécanique, tout en ouvrant la porte à des dérives commerciales.
  • Ho’oponopono est une philosophie de soutien, mais ne remplace en aucun cas une thérapie ou un suivi médical face à des troubles psychologiques ou des pathologies avérées.

Comprendre Ho’oponopono pour mieux en cerner les limites

D’un rituel communautaire à une pratique individuelle

Avant de devenir le mantra que nous connaissons, Ho’oponopono était un rituel ancestral hawaïen de réconciliation. Il s’agissait d’un processus communautaire, mené par un sage (Kahuna), visant à « remettre les choses en ordre » au sein d’un groupe. C’est Morrnah Simeona qui, dans les années 1970, l’a adapté en un outil d’introspection individuelle. Cette transformation est fondamentale : d’un processus social de résolution de conflits, nous sommes passés à un dialogue intérieur. La popularisation par le Dr Ihaleakala Hew Len et Joe Vitale a ensuite amplifié sa portée, en y associant ce fameux principe de responsabilité totale : tout ce qui apparaît dans notre réalité relève de notre responsabilité, car cela provient de nos mémoires internes.

Pourquoi cette philosophie séduit-elle tant ?

La puissance de Ho’oponopono réside dans cette idée de reprise de pouvoir. Se dire « je suis 100% responsable » n’est pas censé signifier « tout est de ma faute », mais plutôt « si cette situation est en moi, alors j’ai le pouvoir de la nettoyer en moi ». Cette perspective est libératrice. Elle offre un sentiment de contrôle dans un monde qui nous semble souvent chaotique. En répétant « Désolé, Pardon, Merci, Je t’aime », la personne s’adresse à la part divine en elle pour nettoyer la mémoire à l’origine du problème, sans même avoir besoin de l’identifier consciemment. La promesse est celle d’un apaisement rapide, d’une voie vers la paix sans passer par les méandres d’une analyse complexe. C’est une réponse simple à une souffrance souvent complexe. Et c’est précisément là que le bât blesse.

Les dérives psychologiques : quand l’outil se retourne contre soi

La responsabilité totale ou le poids de la culpabilité

Je constate régulièrement en consultation les ravages de cette notion de responsabilité mal intégrée. Une patiente me relatait récemment son épuisement à « nettoyer » la dépression de son fils, se sentant entièrement coupable de son état. Ce glissement de la responsabilité (le pouvoir d’agir en soi) vers la culpabilité (le fardeau de la faute) est le danger le plus insidieux. S’imaginer responsable d’une maladie grave comme l’alcoolisme, d’un accident ou des actions malveillantes d’autrui est psychologiquement dévastateur. Cela mène à une forme d’auto-flagellation, à une anxiété accrue et, paradoxalement, à un sentiment d’impuissance lorsque, malgré les mantras, la réalité extérieure ne change pas.

Woman sitting on floor, covering face with hands.

 

Hélène : « La véritable responsabilité n’est pas de porter le poids du monde, mais de prendre soin de son propre jardin intérieur. Confondre les deux, c’est risquer de s’épuiser à vouloir arroser le désert avec un dé à coudre. »

 

L’illusion de la solution miracle : une fuite face au réel

Le second risque majeur est celui de la pensée magique. Croire que la simple répétition des quatre mots peut se substituer à une action concrète est une illusion dangereuse. Ho’oponopono peut alors devenir un élégant mécanisme de défense, une stratégie d’évitement. Pourquoi affronter une conversation difficile avec son conjoint si l’on peut « nettoyer la relation » de son côté ? Pourquoi consulter un médecin pour une douleur persistante si l’on est persuadé qu’il s’agit d’une simple « mémoire à effacer » ? Cette passivité peut avoir des conséquences graves : un traitement médical retardé, une situation professionnelle qui se dégrade, ou le maintien dans une relation toxique, l’autre n’étant jamais confronté à ses responsabilités. L’introspection ne doit jamais devenir le prétexte de l’inaction.

Discerner le bon grain de l’ivraie : se prémunir des dérives commerciales

Les signaux d’alarme d’une approche opportuniste

La popularité de Ho’oponopono a inévitablement attiré des acteurs dont les motivations sont plus mercantiles que spirituelles. Il est donc important d’exercer son esprit critique face aux offres de formations, de stages ou de coachings. Soyons clairs : méfiez-vous systématiquement de toute approche qui présente les caractéristiques suivantes :

  • Des promesses irréalistes : La garantie d’une « guérison instantanée », de la « richesse infinie » ou de la « résolution de tous vos problèmes » sans effort de votre part est un leurre.
  • Un discours dogmatique : Le rejet de la médecine conventionnelle, de la psychologie ou de toute autre approche est un signe de fermeture et de radicalité. Une pratique saine s’intègre, elle n’exclut pas.
  • Des coûts exorbitants : La sagesse et le bien-être ne devraient pas être des produits de luxe. Des tarifs disproportionnés doivent vous alerter.
  • Une pression à l’engagement : Si l’on vous pousse agressivement à acheter d’autres niveaux, d’autres produits, ou à vous couper de votre entourage, fuyez.

Le tableau suivant peut vous aider à distinguer une démarche saine d’une approche potentiellement risquée.

a wooden table sitting on top of a tiled floor

 

Approche Saine et Équilibrée Approche Risquée ou Commerciale
Encourage l’autonomie et le discernement personnel. Crée une dépendance envers le praticien ou la méthode.
Reconnaît les limites de Ho’oponopono et encourage à consulter d’autres professionnels (médecins, psy) si besoin. Dénigre la médecine et la psychologie, se présentant comme l’unique solution.
Met l’accent sur la paix intérieure comme objectif, quel que soit le résultat extérieur. Promet des résultats matériels et un contrôle total sur les événements extérieurs.
Propose des tarifs raisonnables et une transparence sur le contenu. Utilise des prix élevés et des techniques de vente sous pression.

 

Pour une pratique juste et complémentaire

Une philosophie, pas une thérapie de substitution

Il est impératif de le rappeler : Ho’oponopono est une philosophie de vie, un outil de développement personnel, mais ce n’est pas une thérapie au sens clinique du terme. Il ne guérit pas la dépression, ne soigne pas les troubles anxieux et ne répare pas les traumatismes profonds. Il peut, en revanche, être un formidable soutien *en complément* d’un suivi adapté. Il aide à apaiser le mental, à prendre de la distance avec les pensées ruminantes et à cultiver un état d’esprit plus serein. Mais il ne remplace ni le diagnostic d’un médecin, ni le cadre sécurisant et la relation thérapeutique offerts par un psychologue.

Savoir quand Ho’oponopono ne suffit plus

Une pratique autonome devient problématique lorsqu’elle empêche de chercher l’aide adéquate. Il est temps de consulter un professionnel de la santé mentale ou physique si vous observez ces signes :

  • Une aggravation de vos symptômes (anxiété, tristesse, douleurs physiques) malgré une pratique assidue.
  • Un isolement social croissant ou un refus de parler de vos difficultés réelles à votre entourage.
  • L’abandon ou la négligence d’un traitement médical ou d’un suivi thérapeutique en cours.
  • Un sentiment de culpabilité ou d’échec personnel qui devient envahissant parce que la situation ne s’améliore pas.

Parler de votre pratique de Ho’oponopono à votre thérapeute ou votre médecin est tout à fait possible. Présentez-la comme ce qu’elle est : une ressource personnelle pour votre bien-être, un soutien pour mieux traverser les épreuves. Ainsi, elle pourra s’intégrer harmonieusement dans une approche de soin globale et holistique, sans jamais s’y substituer.

Vers un Ho’oponopono conscient et épanouissant

Loin de moi l’idée de diaboliser cette belle philosophie. Ho’oponopono, lorsqu’il est pratiqué avec conscience et discernement, est un merveilleux outil d’hygiène mentale. Il nous invite à nettoyer nos propres filtres, à lâcher prise sur le besoin de tout contrôler et à cultiver l’amour et le pardon, d’abord envers nous-mêmes. Connaître ses dangers n’est pas un frein, mais une condition nécessaire à une pratique plus juste, plus profonde et véritablement libératrice. Il ne s’agit pas de trouver une formule magique pour changer le monde, mais de trouver la paix en soi, peu importe ce que le monde nous présente. Et cette nuance change tout.