Je veux me suicider : Votre souffrance est réelle, des solutions existent.

En tant que psychologue, j’accueille régulièrement en consultation cette phrase terrible, murmurée ou criée : « Je veux me suicider ». Loin d’être un désir de mort assumé, cette pensée est le plus souvent le symptôme d’une souffrance psychique devenue intolérable. Si ces mots résonnent en vous aujourd’hui, sachez d’abord ceci : votre douleur est légitime. Elle n’est ni une faiblesse, ni une honte. Elle est un signal d’alarme qui mérite d’être entendu, et plus que jamais, accompagné. Nous allons explorer ensemble ce que signifie cette crise, comment la traverser et, surtout, où trouver le soutien nécessaire pour que la lumière puisse revenir.

En bref :

  • Les idées suicidaires sont le symptôme d’une souffrance extrême, pas une volonté de mourir, mais un désir de cesser de souffrir.
  • Cette crise est presque toujours temporaire et réversible avec un soutien adapté. Vous n’êtes pas seul(e).
  • Parler est le premier pas. Des professionnels sont disponibles 24h/24 et 7j/7 pour vous écouter sans jugement.

Besoin d’aide immédiate ? N’attendez pas, des professionnels vous écoutent.

Si vous êtes en danger ou si la détresse est trop forte, ne restez pas seul(e). Votre vie est précieuse. Des mains sont tendues, maintenant.

  • En France : Appelez le 3114, le numéro national de prévention du suicide. L’appel est gratuit, confidentiel et disponible 24h/24, 7j/7. En cas d’urgence vitale, composez le 15 (SAMU) ou le 112.
  • Au Québec : Appelez le 1 866-APPELLE (277-3553) ou textez le 535353. En cas de danger, composez le 911.

Ces lignes ne sont pas des robots, mais des professionnels formés à l’écoute de votre souffrance, prêts à vous aider à traverser ce moment.

Comprendre la crise suicidaire : mettre des mots sur l’intolérable

La pensée suicidaire n’est pas une maladie en soi, mais le signe d’un dysfonctionnement profond, une sorte de disjoncteur qui s’active quand le système psychique est en surchauffe. Je constate que la plupart des personnes qui y sont confrontées ne veulent pas réellement mourir, mais plutôt échapper à une douleur devenue insupportable. Le suicidologue Edwin Shneidman a nommé cette souffrance la« psychache »: une douleur de l’âme si intense qu’elle consume tout le reste, et pour laquelle des thérapies comme l’EMDR-DSA offrent une solution face aux traumas et à l’anxiété.

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Deux mécanismes psychiques sont souvent à l’œuvre. D’abord, l’ambivalence : une partie de vous veut vivre, tandis qu’une autre ne voit que la mort comme issue. Cette lutte interne est épuisante. Ensuite, la constriction cognitive, que je décris souvent comme un effet « tunnel ». Une patiente me relatait un jour cette impression que toutes les portes s’étaient fermées sauf une, la pire. La pensée se rétrécit, et le suicide apparaît, paradoxalement, comme la seule solution à un problème qui semble insoluble. Pourtant, d’autres portes existent. Elles sont simplement masquées par la douleur.

La crise suicidaire est un moment de rupture où le lien avec la vie semble brisé. Notre rôle, en tant que thérapeutes, proches ou aidants, est de tenir ce fil, même ténu, jusqu’à ce que la personne ait la force de le ressaisir elle-même.

 

Briser le silence : les mythes dangereux autour du suicide

La parole autour du suicide est encore entravée par de nombreuses idées reçues qui isolent et culpabilisent. Il est temps de déconstruire ces mythes pour permettre une aide plus efficace.

Idée reçue dangereuse La réalité clinique
« Une personne qui parle de se suicider ne le fera pas. » Faux. Près de 8 personnes sur 10 qui se suicident ont donné des signes ou des messages avant leur passage à l’acte. Parler du suicide est un appel à l’aide.
« Parler du suicide à quelqu’un peut lui donner l’idée. » Faux. Au contraire, poser la question directement (« Est-ce que tu penses au suicide ? ») ouvre un espace de parole sécurisant, réduit l’anxiété et peut diminuer les pensées suicidaires.
« Une amélioration soudaine signifie que le danger est écarté. » Attention. Un calme ou un regain d’énergie soudain après une période de grande détresse peut signifier que la décision a été prise. Cette phase de soulagement paradoxal est particulièrement à risque.
« Le suicide est un choix personnel qu’il faut respecter. » Faux. Le suicide est l’aboutissement d’une souffrance immense et de la constriction cognitive. La personne ne voit plus d’autres options. Intervenir est un acte de soin, pas une intrusion.

 

Reconnaître les signes d’alerte : pour soi ou pour un proche

Le plus souvent, la crise suicidaire ne survient pas sans avertissement. Des changements de comportement, de discours ou d’émotions peuvent alerter. Que vous les observiez chez vous ou chez un proche, il est important de ne pas les ignorer, tout comme il est essentiel de prendre au sérieux des angoisses spécifiques, telles que l’émétophobie, cette peur intense de vomir.

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Soyez attentif aux messages verbaux, même indirects : « Vous seriez mieux sans moi », « Je suis un fardeau », « Je suis à bout ». Observez aussi les indices comportementaux : un isolement social soudain, une perte d’intérêt pour des activités autrefois appréciées, une négligence de son apparence, une augmentation de la consommation d’alcool ou de drogues. Des actes préparatoires, comme faire un testament, donner des objets de valeur ou chercher des informations sur des moyens de mourir, sont des signaux d’urgence absolue.

Comment aider un proche en crise : un protocole bienveillant

Si vous êtes inquiet pour un proche, votre intuition est votre meilleur guide. N’ayez pas peur d’agir. Voici une approche simple :

  • Engagez la conversation : Choisissez un lieu calme et exprimez votre inquiétude avec bienveillance. Utilisez le « je » : « Je m’inquiète pour toi, j’ai remarqué que… ». Écoutez sans jugement.
  • Posez la question directement : Comme nous l’avons vu, oser demander « Penses-tu au suicide ? » n’est pas dangereux, c’est libérateur. Cela montre que vous prenez sa souffrance au sérieux.
  • Évaluez l’urgence : Si la réponse est oui, demandez si la personne a un plan précis (comment, où, quand ?) et si elle a accès aux moyens pour le réaliser. Un plan précis et l’accès aux moyens indiquent une urgence élevée.
  • Agissez : En cas d’urgence, ne laissez jamais la personne seule. Appelez le 15 (SAMU) ou le 3114 avec elle pour obtenir de l’aide professionnelle. Ne promettez pas de garder le secret ; la sécurité de la personne prime sur tout.

L’après-crise est possible : vers un chemin de résilience

Sortir d’une crise suicidaire est un processus. Je le vois chaque jour : la reconstruction est possible. Le parcours n’est pas toujours linéaire, mais il mène vers une vie où la souffrance n’a plus le dernier mot. La thérapie est un espace fondamental pour déposer ce qui pèse, comprendre les racines de la douleur et développer de nouvelles stratégies pour y faire face. Petit à petit, il s’agit de reconstruire un quotidien apaisé, de renouer avec des activités qui apportent de la joie, de s’entourer de liens bienveillants et de redonner un sens à son existence. Ce n’est pas « oublier », mais apprendre à vivre avec ses cicatrices, qui peuvent même devenir une force.

Si vous lisez ces lignes, c’est qu’une part de vous cherche encore une porte de sortie qui ne soit pas la dernière. Cette part a raison. La crise que vous traversez est une tempête, mais aucune tempête ne dure éternellement. Accrochez-vous à cette idée. Parlez. Appelez. Un geste peut tout changer. Vous n’êtes pas seul(e). Appelez le 3114.