Face à un diagnostic de cancer, la question « Pourquoi moi ? » est souvent la première à surgir, chargée de stupeur, de colère et d’une profonde quête de sens. En tant que psychologue, je constate régulièrement dans mon cabinet que cette interrogation est bien plus qu’un simple cri de détresse ; elle est le point de départ d’un cheminement intérieur intense. La tentation est grande de chercher une cause unique, une explication psychologique qui donnerait une logique à ce qui semble n’en avoir aucune. Si cette quête de sens est non seulement légitime mais aussi un puissant moteur de résilience, il est impératif de la mener avec discernement. Le sens que vous donnerez à cette épreuve est une ressource personnelle et précieuse ; il n’est en aucun cas la cause médicale de la maladie. Cet article a pour vocation de vous accompagner sur ce chemin, en distinguant les interprétations symboliques qui peuvent aider à la réflexion des faits scientifiques, pour vous permettre de traverser cette épreuve sans jamais porter le poids de la culpabilité.
En bref : les points à retenir
- La recherche de sens face au cancer est une réaction psychologique saine et normale. Elle aide à intégrer l’épreuve et à mobiliser ses ressources intérieures, mais elle ne doit jamais être confondue avec une recherche de « faute ».
- Les interprétations symboliques (par exemple, un cancer du poumon lié à une « tristesse étouffée ») doivent être considérées comme des métaphores pour l’introspection, et non comme des diagnostics ou des causes médicales avérées.
- La science est formelle : le cancer est une maladie multifactorielle complexe, résultant d’une combinaison de prédispositions génétiques, de facteurs environnementaux, de choix de vie et d’une part d’aléatoire. Aucune émotion ou pensée ne peut, à elle seule, « créer » un cancer.
- Le véritable soutien se trouve dans des approches validées et bienveillantes comme la psycho-oncologie, qui visent à améliorer votre qualité de vie et à vous outiller émotionnellement, sans jamais vous rendre responsable de votre maladie.
Le cancer, une crise existentielle : pourquoi cherchons-nous un sens ?
L’annonce d’un cancer est un séisme. Elle fracture le cours de l’existence et nous confronte à notre propre finitude. Dans ce chaos, le cerveau humain, par un mécanisme de survie, cherche à rétablir de l’ordre, à trouver une narration, une explication qui rendrait l’inacceptable plus intelligible. C’est ici que naît la quête de sens. Pour certains, cette quête passe par des approches symboliques qui relient un organe à une fonction émotionnelle. Cette démarche, bien que non validée scientifiquement, peut parfois servir de porte d’entrée à une introspection nécessaire.
Ainsi, dans certaines approches comme le biodécodage, on entendra que le cancer du sein pourrait être lié à des conflits de « nid », de maternage ou de protection ; celui du poumon à une profonde tristesse ou à la peur de mourir, comme si l’on manquait « d’air pour vivre » ; celui du côlon à des « crasseux non digérés », à des secrets de famille ou à des trahisons qui restent en travers de la gorge. Ces interprétations peuvent résonner en nous, car elles touchent à des archétypes puissants de notre psyché. Elles peuvent permettre de mettre des mots sur des souffrances jusqu’alors inexprimées.

Pourtant, soyons clairs : ces correspondances sont des métaphores, pas des mécanismes de causalité. Le danger est de tomber dans un réductionnisme psychologique qui affirme : « Vous avez un conflit non résolu, donc vous avez un cancer ». Cette vision est non seulement fausse, mais profondément délétère. Elle instille une culpabilité toxique, ajoutant un fardeau psychologique immense à l’épreuve physique. Vous n’avez pas « provoqué » votre cancer par vos émotions. En revanche, le lien entre le corps et l’esprit est bien réel, mais il est infiniment plus subtil. Des disciplines comme lapsychoneuroimmunologieétudient comment un stress chronique, par exemple, peut affaiblir les défenses immunitaires et créer un terrain plus favorable à diverses pathologies. En effet, un stress mal géré peut aussi mener à des épisodes intenses : découvrez comment éviter les crises d’angoisses et les 7 erreurs à éviter. Il s’agit d’un facteur de risque parmi des dizaines d’autres, pas d’une cause directe.
La réalité médicale du cancer : une maladie aux mille visages
Pour déconstruire les mythes culpabilisants, il est fondamental de revenir aux faits. Le cancer n’est pas une entité mystique, mais une maladie biologique dont les mécanismes sont de mieux en mieux compris. Très simplement, il s’agit d’une prolifération anarchique de cellules qui ont échappé aux systèmes de contrôle de l’organisme. Ces cellules anormales forment une tumeur et peuvent, dans certains cas, migrer pour former des métastases, responsables de la grande majorité des décès liés au cancer.
Cette dérégulation n’est pas le fruit du hasard ou d’une « pensée négative ». Elle est le résultat d’une accumulation de mutations dans l’ADN de nos cellules. Ce processus, appelé cancérogenèse, peut prendre des années, voire des décennies. Alors, qu’est-ce qui provoque ces mutations ? La réponse est complexe et multifactorielle. Aucune cause unique ne peut être désignée, mais plutôt un ensemble de facteurs de risque qui augmentent la probabilité de développer la maladie.

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, 30 à 50 % des cancers pourraient être évités en agissant sur ces facteurs. Cela montre bien que notre environnement et nos comportements jouent un rôle majeur, loin de toute fatalité psychologique.
- Facteurs endogènes : Il s’agit de nos prédispositions internes. L’hérédité joue un rôle, mais dans une minorité de cas (environ 5 à 10 % des cancers). Certaines mutations génétiques, comme les célèbres BRCA1 et BRCA2 pour le cancer du sein, augmentent significativement le risque. L’âge et les hormones sont aussi des facteurs importants.
- Facteurs comportementaux : Ce sont les plus connus et ceux sur lesquels nous avons le plus de prise. Le tabagisme est la première cause de mortalité par cancer évitable, responsable à lui seul de près de 25% des décès par cancer en France. L’alcool est la deuxième. Notre alimentation joue également un rôle prépondérant : une consommation excessive de viandes rouges et de charcuteries augmente les risques, tandis que les fruits, les légumes et les fibres sont protecteurs. La sédentarité et l’obésité sont aussi des facteurs de risque bien établis.
- Facteurs environnementaux : Nous sommes exposés à des agents cancérogènes dans notre environnement. Cela inclut l’exposition aux rayons UV du soleil, à certains polluants atmosphériques, à des produits chimiques sur notre lieu de travail (comme l’amiante ou le benzène) ou encore à des virus et bactéries (comme le papillomavirus humain ou VPH, responsable de la plupart des cancers du col de l’utérus).
On le voit, l’origine du cancer est un enchevêtrement de biologie, de génétique, d’environnement et de mode de vie. Y chercher une unique cause émotionnelle est une simplification abusive qui ignore toute cette complexité scientifique.
Discerner pour mieux s’accompagner : comment choisir un soutien fiable ?
La quête de sens ouvre la porte à une multitude de propositions d’accompagnement. Dans ce domaine, le meilleur côtoie malheureusement le pire. Il est donc primordial d’apprendre à distinguer les approches qui vous soutiendront réellement de celles qui pourraient vous nuire, en particulier celles qui surfent sur la vague de la culpabilité.

Je rencontre parfois des patients désemparés, à qui l’on a affirmé que leur maladie était le résultat d’un « blocage énergétique » ou d’une « incapacité à pardonner ». Ce type de discours est une violence psychologique. Il isole le patient et peut même le détourner des traitements conventionnels, dont l’efficacité est, elle, prouvée. Pour vous aider à y voir plus clair, voici un tableau comparatif des signaux qui doivent vous alerter et des critères qui caractérisent un accompagnement de qualité, qui peut, par exemple, vous aider à libérer votre passé pour transformer votre vie.
| Signaux d’Alarme (Approches à Fuir) | Critères d’un Soutien Fiable et Respectueux |
|---|---|
| Promesses de « guérison miraculeuse » par la seule force de l’esprit ou de l’énergie. | L’approche est présentée comme un complément aux traitements médicaux, jamais comme un substitut. |
| Discours qui vous rend responsable de votre maladie (à cause de vos émotions, de votre passé, de vos « croyances limitantes »). | Le praticien adopte une posture de non-jugement et de validation de votre vécu, sans jamais vous culpabiliser. |
| Incitation à arrêter ou retarder vos traitements conventionnels (chimiothérapie, radiothérapie, etc.). | Le professionnel respecte et encourage votre suivi médical, et collabore si possible avec l’équipe soignante. |
| Absence de transparence sur les qualifications, méthodes secrètes ou « révolutionnaires » non prouvées scientifiquement. | Le professionnel est qualifié, certifié et sa pratique est basée sur des approches reconnues (psychologie, sophrologie, etc.). |
| Coûts exorbitants, pression financière ou engagement sur le long terme exigé d’emblée. | Les tarifs sont clairs et l’approche est centrée sur vos besoins et votre autonomie, pas sur une dépendance au praticien. |
« Le sens que nous donnons à l’épreuve n’est pas la cause de celle-ci ; il est la première pierre de notre reconstruction. Il ne s’agit pas de trouver pourquoi la maladie est arrivée, mais de décider ce que nous allons faire de sa présence dans notre vie. C’est un acte de pouvoir personnel, pas un aveu de culpabilité. »
Les piliers du bien-être : des aides validées pour traverser l’épreuve
Heureusement, il existe des approches sérieuses et efficaces pour vous aider à gérer l’impact psycho-émotionnel de la maladie. Lapsycho-oncologieest la discipline qui se consacre spécifiquement à cet accompagnement. Elle ne prétend pas guérir le cancer, mais vise à préserver et améliorer votre qualité de vie à toutes les étapes du parcours de soin. Elle offre des outils concrets pour faire face au choc du diagnostic, à l’anxiété liée aux traitements, à la peur de la récidive et à tous les bouleversements que la maladie engendre. Ces angoisses et émotions intenses peuvent d’ailleurs se manifester de diverses manières, parfois même dans nos rêves. À ce propos, découvrez que signifie rêver de faire une crise cardiaque, un symbole souvent lié à des chocs émotionnels ou à une profonde anxiété.

Ces techniques, dont l’efficacité sur le bien-être est validée par de nombreuses études, sont des alliées précieuses. Elles ne cherchent pas un « pourquoi » culpabilisant, mais proposent un « comment » apaisant : comment mieux vivre, ici et maintenant, avec la maladie.
- La méditation de pleine conscience (Mindfulness) : Elle aide à réduire le stress, à mieux gérer la douleur et l’anxiété en apprenant à se reconnecter au moment présent, sans jugement. C’est un outil puissant pour ne pas se laisser submerger par les angoisses futures.
- Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) : Adaptées au contexte du cancer, elles permettent d’identifier et de modifier les schémas de pensée négatifs qui alimentent la peur, la dépression ou les troubles du sommeil.
- La sophrologie, l’hypnose ou la relaxation : Ces techniques sont particulièrement utiles pour gérer l’anxiété avant un examen ou un traitement, diminuer les nausées anticipées liées à la chimiothérapie et améliorer la qualité du sommeil.
- Les groupes de parole : Partager son expérience avec des personnes qui vivent une situation similaire est un formidable moyen de rompre l’isolement. C’est un lieu d’écoute et de soutien mutuel où l’on se sent compris sans avoir besoin de se justifier.
- L’art-thérapie, la musicothérapie ou l’écriture : Lorsque les mots manquent pour exprimer des émotions complexes, la création artistique offre une voie d’expression libératrice. Elle permet de mettre à distance la maladie et de se reconnecter à sa part vivante et créative.
- L’activité physique adaptée (APA) : Loin d’être un détail, bouger de manière encadrée et adaptée aide à lutter contre la fatigue, à maintenir la masse musculaire, à améliorer l’humeur et l’estime de soi.
Ces approches placent le patient en position d’acteur de son bien-être. Elles renforcent le sentiment de contrôle sur ce qui peut l’être (ses émotions, sa qualité de vie) et aident à accepter ce qui ne l’est pas.
Construire son propre sens : résilience et vie après le cancer
Je me souviens de cette patiente, une architecte dont la vie était planifiée au millimètre près, qui me confiait comment le diagnostic de son cancer du sein avait fait voler en éclats tous ses plans. Après une période de colère et de désarroi, elle a commencé à voir cette « fracture » non plus comme une fin, mais comme une ouverture. Elle s’est remise à dessiner, non plus des bâtiments, mais pour le simple plaisir du geste. Elle a renoué des liens distendus avec sa sœur. Son cancer, me disait-elle, ne lui avait pas « appris » une leçon, mais il l’avait « forcée » à en inventer une : celle de la valeur de l’imprévu et de l’instant présent. Son « sens » à elle, ce n’était pas la cause de sa maladie, mais la réponse qu’elle a choisi de lui apporter.
Ce témoignage illustre une réalité profonde : le sens n’est pas une chose que l’on découvre, mais une chose que l’on construit. Pour certains, ce sera de réévaluer ses priorités de vie. Pour d’autres, de s’engager dans une association pour aider d’autres malades. Pour d’autres encore, ce sera simplement d’apprendre à savourer un café au soleil sans penser au lendemain. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise façon de faire. Chaque chemin est unique et respectable.
La vie après le cancer est un autre chapitre, souvent marqué par une angoisse particulière : la peur de la récidive, qui touche une majorité de patients en rémission. C’est une épée de Damoclès psychologique qui peut empêcher de se projeter à nouveau. C’est pourquoi le soutien ne s’arrête pas avec le dernier traitement. En France, on compte aujourd’hui près de 3,8 millions de personnes qui vivent ou ont vécu avec un cancer. La société progresse, notamment avec le « Droit à l’oubli » qui permet, sous certaines conditions, de ne plus avoir à déclarer son ancienne maladie pour contracter un prêt. C’est une reconnaissance que la vie continue, riche et pleine, après l’épreuve.
Votre interrogation sur le sens du cancer est le signe de votre vitalité psychique, de votre refus de subir passivement. Accueillez-la non pas comme une quête de la faute, mais comme une invitation à redéfinir ce qui compte vraiment pour vous. Ce cheminement, éclairé par la science et porté par une profonde bienveillance envers soi-même, est la voie la plus juste pour traverser l’épreuve, non pas en victime d’un destin, mais en acteur de sa propre histoire.