Pour beaucoup d’entre nous, l’enfance a été l’occasion d’expérimenter le sentiment de frustration et d’impuissance face à l’autorité des adultes, parents ou professeurs. Tout petit, nous avons dû apprendre à bien nous tenir à table, rester assis sur une chaise pendant des heures à l’école, apprendre et réciter des leçons sans même en comprendre l’intérêt, ne pas parler en classe avec ses camarades, et tellement d’autres choses contraignantes. On nous a même parfois rabâché qu’on n’était pas là pour s’amuser ! Alors de frustration en frustration, un nouveau sentiment a vu le jour, l’impuissance !
Le confinement peut nous rappeler cette impuissance face à un arbitraire, qui, s’il est compréhensible par notre adulte vus les enjeux de santé, n’en demeure pas moins contraignant. Le printemps est là, victorieux et nous voilà, pour un grand nombre, confinés dans un appartement ou une maison sans le loisir d’aller à la mer ou jusqu’au parc le plus proche, qui est encore trop loin. Cette contrainte est-elle vécue dans l’adulte, qui comprend, accepte et fait le dos rond en attendant la fin de la pandémie, ou vient-elle réveiller les frustrations de l’enfant impuissant ?
Quand l’enfant est écrasé par l’impuissance, l’analyse transactionnelle nous apprend que pour s’adapter, il a le choix entre 4 types de comportements, entre soumission et rébellion :
- subir la situation et s’y résigner dans la frustration (soumission négative)
- accepter la situation et s’y adapter (soumission positive)
- se rebeller et se révolter (rébellion positive),
- tomber dans la violence ou le désespoir (rébellion négative)
S’il a l’habitude de se soumettre, l’enfant va subir la contrainte selon différentes graduations pouvant aller de l’impuissance totale qui en fait une victime complètement frustrée jusqu’au comportement hyper adapté du bon élève.
S’il a l’habitude de se rebeller, l’enfant va pouvoir râler, réagir en désobéissant ou en se révoltant, voire encourager ou commettre des actes violents, pouvant aller jusqu’à sombrer dans le désespoir. Dans tous les cas, la rébellion est une réaction à la frustration et donc également un moyen de s’adapter, même si c’est en opposition plutôt qu’en acceptation.
On pourrait penser que les bons élèves qui savent s’adapter s’en tirent mieux que les autres. Et pourtant, il s’agit bien d’un comportement d’enfant, sans pensée critique, reniant l’individualité et pouvant conduire à accepter n’importe quelle manipulation. A l’inverse, le rebelle peut se penser libre et donc adulte, toutefois, il ne fait que réagir à la contrainte en enfant insoumis. Il n’en est pas affranchi. Passer son temps à râler ne fait pas de soi un homme libre.
Voici quelques pistes qui permettront à l’adulte de sortir son enfant intérieur de l’impuissance.
Conseil pour guérir notre enfant intérieur
En tout premier, nous vous invitons à mettre de la conscience sur ce qui agite possiblement votre enfant intérieur. Est-il soumis ou rebelle ? A-t-il des comportements négatifs ou positifs ? Si vous reconnaissez en vous l’un des comportements décrits plus haut, c’est que votre enfant intérieur est confronté au sentiment d’impuissance par la contrainte actuelle de confinement et la priorité va être de l’aider à protester, à exprimer sa colère. Il s’agit de libérer toute l’émotion qui l’envahit plus ou moins consciemment.
Faire de la “bataka”, est toujours la première option à laquelle nous vous convions : vous pouvez vous fabriquer une matraque (un tube en PVC peut faire l’affaire pour ceux qui bricolent) ou utiliser une vieille raquette de tennis pour taper sur un matelas ou un canapé. Si la promiscuité pose problème, crier dans un oreiller peut également bien soulager.
Jouer à “c’est affreux !” pendant 5 minutes peut aussi permettre d’évacuer de la rancoeur, mais à condition de ne pas vous laisser envahir par une énergie destructrice et invalidante. Lorsque la rage est au rendez-vous, déchirer un annuaire en hurlant peut-être aussi une option très libératrice.
Une fois l’enfant soulagé d’avoir pu exprimer sa colère, quel rôle peut tenir l’adulte en nous ?
L’indignation, telle que Stéphane Hessel, nous y a autrefois conviés, représente une alternative constructive à la soumission ou à la révolte pure.
En plus de permettre à notre enfant intérieur de s’exprimer, l’adulte en nous peut aussi avoir envie/besoin de résister, de s’indigner et de sortir de l’impuissance. Même s’il est bien compliqué de faire la part du vrai et du faux dans la masse d’informations, s’informer et chercher à agir peut être légitime. La pandémie mondiale fait émerger des problématiques économiques, sociales et sociétales qui poussent à la réflexion. L’adulte peut ainsi s’informer et s’engager dans les nombreuses associations qui militent pour les droits des migrants, celui des femmes, ou des minorités, des droits de l’homme, de la défense de la nature ou celles qui luttent contre la suprématie des lois du marché, etc.
Une autre manière d’agir est encore de mobiliser l’enfant libre en nous, en encourageant sa créativité. Cela peut se faire en écrivant, en faisant de la musique, en dessinant, peignant puis en partageant nos créations avec nos proches sur les réseaux sociaux. Si l’inspiration ne vient pas facilement, laissez-le s’ennuyer un peu, comme nous le proposions dans la dernière newsletter. L’ennui est une porte et permet également de lui apprendre la patience plutôt que de céder de suite à son éventuelle toute puissance. Une chance.
Bien à vous,
Laurence et Philippe